Le bio à la cantine, souhaitable et faisable, soulignent des élus et des agriculteurs
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Paris (AFP) – Manger local et bio à la cantine c’est possible, et pas forcément beaucoup plus cher, avancent des agriculteurs, des élus, des associations, qui souhaitent que le Parlement fixe des objectifs chiffrés à la restauration collective publique.

« On entend souvent que les grandes communes ont du mal à passer au bio. Mais les cantines de Grenoble ou de Bordeaux le sont déjà à 30%, celles des départements de la Drôme ou des Pyrénées-Atlantiques à 20% », cite Gilles Pérole, de l’association Un Plus Bio qui depuis 2002 oeuvre pour l’évolution de la restauration collective.

Nationalement pourtant, il y a une marge de progrès: encore moins de 3% du contenu des assiettes en réfectoire est issu de l’agriculture biologique.

Le Sénat a entamé mercredi l’examen d’une proposition de loi, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale en janvier, prévoyant l’introduction dans les cantines d’ici 2020 de 40% de produits locaux et de saison, dont 20% de biologiques. Faute de temps, il n’a pu l’achever et la fin de cet examen a été reportée.

« Les élus ont besoin d’un cadre », explique son auteur, la députée EELV Brigitte Allain. « L’idée est de leur permettre d’y voir clair en matière d’orientations, financements, organisation des structures, et aussi de leur donner une légitimité dans leurs choix par exemple de marchés publics ».

Au final, « c’est reprendre en main notre alimentation et notre agriculture », ajoute cette agricultrice.

Mais la semaine dernière, sa proposition a été amoindrie en commission par la haute assemblée, avec l’adoption d’un amendement centriste supprimant l’objectif 20% de bio au profit d’une simple formule « selon les capacités de production locales ».

« Beaucoup jugent encore ce chiffre inatteignable, synonyme de contraintes. Mais si on n’a pas d’obligation chiffrée, on n’avancera pas! », objecte le rapporteur du texte, le sénateur EELV Joël Labbé, qui devait proposer à ses collègues de réintroduire l’objectif 20% en y incluant les producteurs en cours de conversion au bio.

Plusieurs acteurs de terrain sont venus cette semaine au Sénat défendre cette loi devenue, selon eux, « nécessaire ».

« L’argument, souvent entendu des pouvoirs publics, est que la filière bio ne peut fournir assez. Mais on peut fournir sans problème! », dit Julie Portier, de la Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB).

Selon la Fédération, 400.000 ha suffiraient pour atteindre les 20% fixés pour ces 3 milliards de repas annuels. Or l’agriculture bio représente 1,3 million d’ha en France, et en 2015, 220.000 ha ont été convertis.

Mais plus que les volumes, c’est l’organisation des filières et les problèmes d’adéquation offre/demande qui peuvent bloquer.

Alors la FNAB a installé 20 plateformes régionales, avec interlocuteurs uniques pour la restauration collective. « Or aujourd’hui elles sont en attente de commandes, pas en manque de produits! », assure Mme Portier, pour qui « on a besoin d’un signal politique fort ».

– « Prime à l’investissement » –

Nombre d’initiatives peinent à se concrétiser, par manque d’informations, de pilotage, de suivi, blocages réglementaires… Privilégier le local suppose que collectivités, entreprises, fournisseurs, et restaurateurs repensent fortement leurs pratiques.

Comme à Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes), 100% bio depuis la création d’une régie agricole municipale. La commune a dû imaginer comment compenser le « léger surcoût » (le bio nécessite plus de main-d’oeuvre), en faisant passer le gaspillage de 150 à 30 g par repas, explique Gilles Pérole, élu de la ville.

La Fondation Hulot préconise une « prime à l’investissement », pour encourager les « 80% d’acteurs pas encore dans le mouvement ».

Du côté des professionnels de la restauration collective, on constate le souhait des consommateurs de plus de traçabilité, de sécurité alimentaire, de sens même.

« Et la filière bio s’est structurée », admet le délégué général du Syndicat national de la restauration collective (restauration concédée), Dominique Bénézet. Mais il juge difficile l’objectif 20% en 2020, « en terme de diversité ».

Le réseau Restau’Co (gestion directe) réclame que le gouvernement mette tout le monde autour de la table, les grossistes traditionnels aussi. « On est dans une impasse, le gouvernement doit nous accompagner », dit son président Eric Lepêcheur.

En attendant, le réseau s’est associé avec la Fondation Hulot pour lancer « Mon restau responsable », un programme permettant aux restaurateurs volontaires de se faire accompagner par leurs pairs.