« De nombreux députés continuent de batailler contre l’accord avec le Canada. Le refoulement temporaire de l’eurodéputé écologiste José Bové par le Canada, le 13 octobre, attise le malaise.
Alors que Manuel Valls effectue cette fin de semaine une visite au Canada pour évoquer notamment les questions commerciales, l’opposition au traité de libre-échange négocié par l’UE avec le pays reste coriace.
La perspective que l’accord puisse s’appliquer dès sa signature, avant que les Parlements nationaux ne le ratifient officiellement, hérisse les opposants qui s’interrogent sur l’aspect démocratique de la procédure.
Le gouvernement français n’a eu que faire d’une tribune signée de 100 parlementaires, et réclamant de reporter l’application directe de l’accord. Ce mépris est mal passé. Au point que les députés de la majorité comme de l’opposition moquent ouvertement les positions du gouvernement, comme en témoigne ce document rédigé par un élu, qui circule à l’Assemblée Nationale.
Lequel démonte point par point un argumentaire développé par le secrétariat d’Etat au commerce extérieur sur l’accord commercial : qu’il s’agisse de la cour d’arbitrage des différents (ISDS), de l’aspect environnemental ou du respect démocratique, la position du gouvernement est vivement critiquée.
Des députés démissionnés d’office de la commission des Affaires européennes
Dernier fait d’armes, le gouvernement a fait pression sur le groupe des sociaux et démocrates pour éviter une résolution consultative réclamant le report de l’application de l’accord. Comme souligné par Politis.fr, le groupe s’est alors lancé dans un tour de cuisine parlementaire rare : il a « démissionné » 4 députés de la commission des affaires européennes le 5 octobre, jour du vote de la résolution, avant de les renommer le lendemain, comme en témoigne le Journal officiel. Une pratique pour le moins peu démocratique.
>>Lire: Les députés renoncent à enterrer le CETA
Le vote a finalement attesté de la mobilisation des pro-CETA : la résolution a été rejetée à raison de 3 voix pour, et 12 voix contre.
« Il se passe des choses assez curieuses, mais nous allons continuer, il ne faut pas renoncer » a assuré Danielle Auroi, la présidente de la Commission affaires européennes, lors d’un débat sur le CETA qui a fait salle comble à l’Assemblée nationale, le 12 octobre.
Selon nos informations, ce tour de passe-passe s’est faite sur demande du Premier ministre, alerté par les services du secrétariat d’Etat au commerce extérieur, Matthias Fekl.
Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault s’est depuis ému de cette pratique peu républicaine. Montrant ainsi qu’il ne soutient pas nécessairement la position d’équilibriste de son ministre du commerce extérieur, Matthias Fekl. Lequel défend mordicus le CETA tout en condamnant haut et fort son équivalent américain, le TTIP (ou Tafta). Une position délicate à soutenir.
« Le Parlement légifère, mais il contrôle aussi les politiques publiques ! Or il n’y a pas tellement de lumière sur ces accords, il faut mettre ce débat en discussion » a insisté un député Les Républicains, Guillaume Chevrollier, élu en Mayenne.
Le débat était convié à l’initiative de Brigitte Allain, élue vert qui soutient que « l’application provisoire de l’accord de libre-échange court-circuite le débat parlementaire ». Car sur le fond, les craintes des conséquences de cet accord pour l’agriculture n’ont pas été entendues, selon les professionnels de la viande notamment.
« Ce traité sous tend une transaction bœuf/lait : les Canadiens vont pouvoir vendre leur bœuf en Europe, les Européens leur lait au Canada. Je ne vois pas quel est le bénéfice dans le fait d’échanger ces aliments de base d’un bout à l’autre de la planète » s’interroge de son côté Dominique Potier, élu PS de Meurthe et Moselle.
Le Parlement européen en arbitre
Les élus français espèrent faire bouger les lignes du côté du Parlement européen, où la fronde a aussi essaimé y compris au sein du groupe des sociaux-démocrates, notamment français.
Lors d’un débat, le 13 octobre, au Parlement européen, plusieurs eurodéputés ont insisté sur le fait que l’accord ne pouvait entrer en vigueur sans l’accord du Parlement européen. Ce qui risque de reporter le calendrier d’entrée en vigueur de l’accord : la commission commerce internationale ne doit se prononcer qu’en décembre sur l’accord, avant un vote en plénière prévu pour 2017.
L’arrestation, puis la menace de refoulement de José Bové, par le Canada, le 13 octobre risque d’attiser encore un peu plus les critiques sur le manque de démocratie constaté jusqu’alors. L’eurodéputé vert qui venait débattre du CETA a été arrêté par le gouvernement canadien, sous prétexte de condamnations passées sur la question des OGM.Il s’est ensuite vu accorder un visa temporaire de 7 jours. »
Aline ROBERT
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