Retrouvez ci-dessous mon intervention à l’occasion de la Conférence « Quelle nouvelle ère économique pour le Bergeracois ?» organisée par la Jeune Chambre économique de Bergerac le 16 avril à 20h
« Bonsoir à toutes et tous,
Je remercie tout d’abord la Jeune Chambre économique de Bergerac pour l’organisation de cette conférence « Quelle nouvelle ère économique pour le Bergeracois ?».
Elle s’inscrit dans une dynamique qui vise à réfléchir, proposer et mettre en œuvre une véritable stratégie de développement en Bergeracois.
Je salue la présence nombreuse ce soir, des représentants du monde économique, social, culturel et politique du sud de la Dordogne.
Je vous remercie aussi de m’avoir sollicitée pour cette intervention, suite à l’échange fructueux que nous avons eu à ma permanence il y a quelques semaines.
Au travers de nouveaux modèles économiques et de l’innovation, votre objectif que je partage, est d’impulser un changement positif pour notre territoire.
Vous souhaitez que j’intervienne ce soir pour présenter la mission d’information parlementaire sur les circuits courts et la relocalisation de notre alimentation, dont je suis rapporteure à l’Assemblée nationale.
Je vous propose de revenir tout d’abord sur quelques éléments du contexte global et local.
Parler de nouveaux modèles ou d’une nouvelle ère économique, c’est constater que le modèle actuel est dépassé.
Basé sur la croissance et le productivisme à tout prix, sur la mondialisation, le cloisonnement des filières, la compétitivité et la vision à court terme, ce système est en échec.
Il n’offre aucune perspective durable en ce qui concerne l’emploi, l’économie, le social, l’environnement ou la culture.
Aussi, j’exprime régulièrement la nécessité forte de changer de logiciel.
En effet, les Bergeracoises et les Bergeracois sont hélas touchés plus durement qu’ailleurs par ces choix. Trop de nos concitoyens, dont de nombreux jeunes, sont sans travail, sans revenu, confrontés à des problèmes de santé et désespérés.
Nous avons pourtant de nombreux atouts en bergeracois !
Le titre que vous avez proposé pour cette séquence est : Les nouveaux modèles économiques au service de la redynamisation territoriale.
En effet, pour redynamiser un territoire, il s’agit avant tout de mettre forces vives en mouvement, en s’appuyant sur les potentiels locaux et sur les ressources dont nous disposons. C’est insuffler des mécanismes de coopération entre les acteurs.
A mon sens, l’économie peut et doit être considérée, non pas comme une fin en soi, mais comme une composante de l’amélioration des conditions de vie de toute la population. Elle doit donc prendre en compte les enjeux de notre société dans son ensemble pour s’inscrire dans la durée.
Je défends fortement l’idée que les élus et collectivités locales ont la responsabilité de fixer un cap à moyen et long terme afin de mettre en œuvre un véritable projet de territoire.
C’est le moyen de fédérer les initiatives existantes et d’en développer de nouvelles au sein d’une stratégie globale, transversale et décloisonnée.
Et je pense particulièrement à l’échelle des intercommunalités avec la communauté d’agglomération et les communautés de communes. Elles doivent jouer ce rôle de locomotive, ce rôle d’animation territoriale sans lequel rien ne bouge.
En lien avec le Pays du Grand Bergeracois et le Conseil de développement, elles peuvent être le lieu de la coopération entre les acteurs, de la concertation et de l’implication des citoyens au projet à définir.
La Communauté d’agglomération est lauréate de l’appel à projet « territoires à énergie positive pour la croissance verte ».
Je vous en félicite et m’en réjouis, car la transition énergétique est ici, comme ailleurs, une nécessité économique, sociale et écologique, mais surtout une formidable opportunité de développement et de création de richesses et d’emplois.
Mais, ce sera une stratégie gagnante à la condition qu’elle soit pensée et mise en œuvre dans la concertation et la coopération et de manière globale, locale et transversale.
C’est s’engager dans ce processus d’économie circulaire, pour passer d’un modèle de réduction d’impact à un modèle de création de valeur positive sur un plan social, économique et environnemental.
Pour relever ce défi, nous disposons d’une ressource en abondance : l’intelligence collective.
Bergerac territoire TEPOS, cela doit se traduire par une vraie dynamique qui se décline en fiches actions avec des objectifs à atteindre. Donner à chaque village, chaque entreprise, chaque école, chaque commerçant, chaque institution un objectif à atteindre.
Je pense, par exemple, au développement d’énergie renouvelables, aux questions de logement, à la mobilité dans son ensemble, à l’agriculture et à l’alimentation, à la diminution de l’usage des pesticides, à la gestion des déchets… qui sont des questions intimement liées.
En bergeracois, le champ des possibles est ouvert avec une association d’insertion qui met en place une Ressourcerie, recyclerie, des savoirs faire et des infrastructures dans l’industrie chimique autour de la cellulose.
Je sais que la Communauté d’agglomération réfléchit à l’opportunité ou pas de permettre à une entreprise d’installer des panneaux photovoltaïques à Roumanières. Si le bergeracois se donne un objectif « énergie renouvelable et préservation des terres nourricières », nous allons chercher ensemble les lieux déjà imperméabilisés et des toitures où nous pouvons implanter de tels projets. Nous allons faire une vraie campagne de communication pour que ce défi soit partagé…
Alors la vue depuis le Château de Monbazillac ne nous paraitra peut être pas plus désagréable que celle sur les cheminées de la poudrerie, dont nous devons évidemment tirer le meilleur profit dans ce même cadre.
Prenons un deuxième exemple. Notre vignoble et nos vins.
Sont- ils aujourd’hui suffisamment porteurs pour la ville de Bergerac, pour que les touristes qui viennent associent son histoire, de la guerre de cent ans à nos jours, avec cette appellation encore trop peu connue.
C’est peut-être vous, membres de la Jeune Chambre Économique qui saurez animer des initiatives d’œnotourisme mobilisant commerçants, artisans, hôteliers, viticulteurs, détenteurs de Chambre d’hôtes, artistes locaux, sites remarquables et tous les acteurs possibles pour inventer de nouveaux modèles de services correspondant mieux aux demandes touristiques.
L’expression connue « Penser global, agir local » prend donc tout son sens !
Elle est tout à fait pertinente également quand on va voir ce qui se passe du côté de notre alimentation.
J’ai été nommée rapporteure d’une mission d’information parlementaire sur les circuits courts et la relocalisation des filières agricoles et alimentaires.
Cette mission a pour objectifs :
- de mieux connaître les circuits courts et de proximité. Il existe peu d’études sur ces circuits de distributions et ses impacts, notamment en terme de potentiel de création et de maintien d’emploi, mais aussi sur le lien social qu’ils créent, ou l’impact sur l’environnement.
- Les différentes formes de réappropriation de la valeur ajoutée par les producteurs et transformateurs locaux
- Identifier les freins et les leviers aux dynamiques de relocalisation
- Proposer des leviers pour la mise en place de projets alimentaires territoriaux.
- Faire des propositions concrètes nouvelles, tant au niveau règlementaire que législatifs, organisationnel ou budgétaire.
Les projets alimentaires territoriaux, dont j’ai souvent parlé à un certain nombre d’entre vous, ont été introduits dans la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, par les écologistes.
Ils visent à renforcer la capacité des infrastructures locales existantes pour favoriser une production locale alimentaire pour une consommation locale, à l’échelle de communautés de communes, départements voir régions.
En effet, si les filières agricoles sont bien organisées pour répondre à un commerce national et international, qui n’est nullement remis en cause, les divers acteurs locaux qui veulent développer une économie locale autour de l’alimentation ne savent pas comment s’y prendre. Les schémas développés par les Chambres d’agriculture ont éloigné les citoyens des agriculteurs. Il s’agit clairement de recréer des liens entre consommateurs et producteurs pour organiser des filières transversales, de la fourche à la fourchette.
Avec le projet alimentaire territorial, l’idée est d’aller un cran au-dessus des circuits courts, et de penser « développement économique local » autour d’un bassin de vie, en concertation avec tous les acteurs locaux de la chaîne (consommateurs, organisations de producteurs, commerçants, industriels, élus, associations, parents d’élèves, banques, distribution, etc.).
En tentant de répondre à la question : quelle alimentation voulons-nous pour demain ?, on interroge plus globalement la stratégie du territoire. Quelle diversité ? Avec quels produits, avec quels producteurs ?
Relocaliser notre alimentation, c’est donc repenser nos modèles économiques.
C’est repenser le lien entre agriculteurs et consommateurs, redéfinir le rôle du consommateur, et inciter à des nouvelles pratiques agricoles, plus respectueuses de la nature.
C’est bien entendu valoriser nos ressources. Développer l’économie de proximité et la cohésion sociale en s’appuyant sur les synergies et les échanges locaux.
C’est aussi s’inscrire pleinement dans le processus de transition énergétique, dont nous parlions tout à l’heure.
C’est innover pour aller vers plus de souveraineté et de sécurité alimentaire.
Prenons comme entrée l’approvisionnement des cantines scolaires qui peut être un moteur contractuel. Pour la ville de Bergerac, on compte environ 230 000 repas par an pour les cantines scolaires et RPA. Avec d’autres collectivités, comme certains établissements associatifs, on dépasserait les 500 000 repas par an.
Quand on sait que 80% de la viande consommée en restauration collective est importée, on se réjouit de savoir que le lycée agricole de La Brie s’approvisionne en viande dans le nontronnais, que John Bost s’approvisionne partiellement en légumes frais auprès de la plateforme de producteurs Isle Mange Bio. Notre marge de progrès est énorme.
L’introduction de produits locaux et bios dans les restaurants collectifs peut permettre d’initier une réflexion plus globale :
- Organisation des producteurs, plate-formes de distribution.
- installation agricole, formation et gestion raisonnable et économe du foncier,
- organisation des cuisiniers et des personnels, formation continue, mutualisation entre établissements
- créations ou renforcement de plateformes de transformation, de conservation locales
- éducation, sensibilisation des jeunes et des enfants
- Accompagnement des personnes et des familles dans des projets solidaires, l’échange des savoirs faire culturels
- lutte contre le gaspillage alimentaire
- mise en place de filière de gestions des déchets, lien méthanisation, compostage, valorisation
Ces dynamiques partagées nécessitent des moyens d’animation, de coordination pour que l’on passe d’initiatives isolées à un véritable projet concerté et mutualisé, avec et au service des citoyens.
Le rôle des collectivités est donc primordial. C’est pourquoi j’ai convié des élus des communautés de communes, le 2 avril dernier, à la journée de déplacement de la mission parlementaire en présence de Monsieur le Préfet, pour montrer l’intérêt d’avoir préservé l’abattoir local multi espèce d’ Eymet, et surtout faire exprimer le maire de cette collectivité locale sur son impact générateur d’activité qui conduit à un projet de création d’une salle de découpe pour favoriser le développement des circuits courts.
Comme pour la dynamique des territoires à énergie positive et nous l’avons vu, cela est complémentaire, s’engager dans un projet alimentaire territorial permettra de participer au développement durable du bergeracois.
Nos ressources sont là, les différents acteurs, plateformes sont prêts et mobilisés, la demande est exprimée de manger sain et local, du foncier agricole est disponible et des cadres politiques sont favorables avec une volonté politique affirmée de l’État, de la Région et du Département.
Il n’y a plus qu’à !
Pour conclure donc, et répondre à votre question qui était :
« Comment les nouvelles formes d’économies pourront participer à la relocalisation de notre alimentation? »
Je répondrais que c’est plutôt les dynamiques de relocalisation de nos productions énergétiques, alimentaires, viticoles, forestières, industrielles, culturelles, mais aussi de service qui permettent la mise en place de nouveaux modèles économiques durables et coopératifs.
C’est un défi passionnant et structurant que nous pouvons relever tous ensemble !
Je vous remercie