Intervention de Brigitte Allain sur les réfugiés en Europe 🗺
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« Chers collègues,

Je remercie la présidente de la commission des affaires européennes, ma collègue Danielle Auroi d’avoir proposé la tenue de ce débat. Cela nous donne l’occasion de nous exprimer sur l’attitude et les actions de l’Europe vis-à-vis des réfugiés,et de nous interroger et vous interroger, le gouvernement, sur les choix effectués et les décisions adoptés.

La période, est particulièrement tragique. Sur fond de conflit international, l’exode vers nos pays de milliers d’êtres humains, vivant atrocité, torture, misère a de quoi effrayer.
A cela s’ajoute les changements climatiques à venir qui risquent d’accroître de manière dramatique le nombre de «déplacés environnementaux». Cela pourrait affecter 200 millions de personnes en 2050 !
De nombreux sociologues, politologues, climatologues annonçaient depuis des années la migration des populations à travers le monde comme le défi du XXIème siècle. Il se confirme.

La montée du terrorisme et des égoïsmes nationaux s’alimentent de cet état. Les populations européennes doutent, hésitent entre compassion, solidarité, méfiance et rejet : Doit-on pour autant céder à la facilité ? Rejeter loin de nos frontières ceux que l’on ne veut pas voir ? Cultiver l’entre-soi pour espérer gagner une paix sociale immédiate au risque d’accroitre l’attrait incontestable de nos pays riches ?

Ainsi, il me semble que les politiques ont une place de premier plan à tenir, dans un discours de solidarité, mère de la paix. En tant que membre de la délégation parlementaire française au Conseil de l’Europe, j’y prends ma part, en échangeant régulièrement avec mes homologues européens. Je me suis rendue à Calais et j’ai constaté l’ampleur et la complexité de la situation.

Comment accueillir décemment toutes ces personnes qui viennent de pays multiples et sont dans des situations différentes ? Quelles voies légales de passage dessiner ? Quelles perspectives leur offrir ?

L’accord avec la Turquie, tel qu’il a été conclu il y a deux semaines, n’est pas un exemple de courage. Il est critiqué de toute part sur sa légalité et sa légitimité. Lors des échanges qui suivront, nous vous interrogerons plus spécifiquement sur la légitimité de cet accord et si on peur considérer la Turquie comme « pays sûr », alors même qu’il n’a pas ratifié la Convention de Genève dans tous ces éléments. Au-delà du droit, je l’affirme, cet accord n’est pas digne des valeurs humanistes de l’Europe. Les pays européens, ayant échoué à trouver des solutions communes, repoussent le problème un peu plus loin. Loin des yeux, loin du cœur, comme on dit.

Nous sommes en train de déshumaniser l’Europe…
Qu’en restera-t-il après ces mois et ces années de crise migratoire s’ajoutant à la crise sociale ? Notre Europe aujourd’hui grand marché unique, peine à trouver un nouveau souffle démocratique. Montrant son impuissance face à la question migratoire, elle s’affaiblit aux yeux des citoyens et sur la scène internationale.

Chaque pays européen doit prendre sa part et accueillir les réfugiés dignement.
Le gouvernement français parle souvent de responsabilité. Où est-elle aujourd’hui ? Les pays en première ligne, l’Italie, Chypre, la Grèce, doivent être plus particulièrement soutenus, notamment avec des aides financières adéquates. Le peuple grec éprouvé par l’austérité imposée par l’Europe fait preuve d’une grande humanité. Leurs centres d’accueil manquent cruellement de moyens. Médecins Sans Frontières, comme d’autres ONG, viennent de mettre un terme à leurs interventions dans les « hots spots » en Grèce, constatant que ceux-ci étaient devenus des centres de rétention fermés.

A Grande Synthe, dans le Nord, le Maire Damien Carême, lui, a pris ses responsabilités. D’une capacité d’accueil de 2 500 personnes, le camp est déjà menacé de fermeture. Considérant qu’il n’est pas aux normes, l’État devrait plutôt soutenir l’action de la commune pour améliorer ce lieu. Le camp composé d’abris privatifs assez solides et disposant de conditions requises en termes sanitaires et d’hygiène a été monté pour répondre à l’urgence. Je sais que la France peut le faire.

A Mauzac, village rural de Dordogne, j’ai suivi la mise en place du Centre d’accueil et d’orientation, qui a accueilli en octobre 2015, 50 migrants principalement issus du Soudan, venus de Calais. Ce centre est loin d’être parfait mais la population a accueilli chaleureusement les migrants. Je peux témoigner de la réussite de cette opération. Les personnes accueillies, reconnaissantes, se sont mobilisées pour définir leur projet d’avenir, pour apprendre le français et pour être en contact avec la population locale. Et les associations, les services de l’État le sont également, même si la réalité du terrain et l’organisation logistique et matérielle est complexe.

Ne cédons pas au cynisme, nous sommes tous des citoyens du monde. Chacun-chacune de nous, un jour, peut avoir besoin d’un refuge. »

Retrouvez l’intervention de Brigitte Allain lors de la séance du 31 mars ici

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