Les agrocarburants une technologie dépassée ? Discours de Brigitte Allain
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A l’occasion de la conférence sur les agrocarburants qui s’est tenue à l’Assemblée Nationale, sous le parrainage de Brigitte Allain et Yves Daniel, le 24 janvier dernier, votre députée fait le point sur la filière agrocarburants, entre énergie et agriculture : quelle réponse législative aux enjeux environnementaux ?

voir le programme en cliquant sur le lien.

 

son discours :

« Bonjour à tous,

Je suis ravie de vous accueillir pour cette conférence sur les agro-carburants ici à l’Assemblée Nationale, lieu de débat et d’expression publique. D’autant que la question soulevée lors de cette matinée : « quelle réponse législative aux enjeux environnementaux ? » ne peut que susciter l’intérêt des représentants des citoyens et des « faiseurs de lois » sur un sujet controversé et d’actualité.

De plus, j’ai le plaisir de partager cet accueil avec mon collègue Yves Daniel à qui je laisserai la parole dans quelques minutes, et qui fait, tout comme moi, parti des 15 agriculteurs de l’Assemblée !

Le Réseau Action Climat et France Nature Environnement ont développé une expertise remarquable sur les questions des agro-carburants, et je pense que les débats seront forts intéressants entre experts, décideurs et intervenants de grande qualité ici présents.
De nombreux représentants européens sont présents. Corine Lepage, parlementaire européenne et rapporteur sur le sujet nous fait l’honneur d’être présente.
Il y a également des représentants d’instituts de recherche, d’entreprise, d’organisations environnementales. Je laisserai les organisateurs les présenter plus en détail.

Comme je le mentionnais, je suis agricultrice de métier. Aujourd’hui à l’Assemblée je travaille sur les questions agricoles et rurales, étant coprésidente du groupe sur la ruralité.
A ce titre, et en tant qu’écologiste, le traitement des agro carburants dans la politique nationale et européenne est tout une sujet crucial.

Entre agriculture et énergie, les agrocarburants de première génération, c’est-à-dire issus de plantes cultivables, se sont positionnés comme une composante des énergies « vertes », une solution au dérèglement climatique. L’Europe s’est fixé, dans sa stratégie 2020, l’objectif d’atteindre 20% d’énergies renouvelables.
Mais il faut garder à l’esprit que les agrocarburants constituent aussi, vu les réactions actuelles des décideurs français, un formidable débouché économique pour les céréaliers, dont on connait la puissance d’intervention.
Je pense à la PAC et à la spéculation devenue chronique sur les céréales.
Les agrocarburants ont cependant été soutenus par une politique d’incitation volontariste au titre de la lutte contre le réchauffement climatique, grâce à une batterie d’outils : objectifs d’incorporation à court terme et long terme, obligation d’incorporation dans les carburants, incitations fiscales, etc.

Mais constituent t ils de véritables alternatives ?
Scandé depuis des années par les ONG, de récents rapports et études officiels ont mis sur la place publique l’absence d’efficacité systématique des agrocarburants en terme de réduction des émissions de gaz à effet de serre (EGES).
Les changements d’affectation des sols indirects n’ont pas été évalués.
Un mythe s’écroule….? Combien de milliards dépensés pour rien ? Quels enseignements à tirer ?

En plus, de la remise en cause de la politique de soutien aux agrocarburants, s’ajoute la critique de la production même d’agro-carburants : on dénonce la concurrence des agrocarburants avec la production alimentaire, ces céréales qui ne nourriront jamais le milliard de personnes en situation de malnutrition dans le Monde, mais en Europe aussi, on perd des terres, alors que la pression foncière mondiale est forte. La contribution des agrocarburants à la volatilité des prix agricoles est sensible. De plus, souvent la culture d’agrocarburants s’accompagne de pratiques intensives en eau, pesticides, OGM.

Nous savons aujourd’hui que leur bilan énergétique est nul, voir négatif.
Et pourtant la machine agrocarburants est lancée, une filière est constituée, des emplois sont en jeu, et des perspectives de renouveau se profilent : 1ere génération, biodiesel, bioéthanol, 2eme génération, 3ème génération, micro-algues, enzymes, déchets verts, etc. Le terme agro carburant recouvre aujourd’hui bien des réalités qu’il faut évaluer.

Je m’interroge aussi sur la sécurité juridique de ces filières, des opérateurs économiques, et des outils d’évaluation des politiques publiques : il faudrait pouvoir l’assurer, pouvoir faire confiance dans la continuité de l’action publique, mais comment a-t-on pu arriver à un tel échec ? La première des réponses serait d’assurer l’indépendance entre l’intérêt général vis à vis de l’intérêt particulier : les politiques soumis à des pressions de lobbyistes ont négligé les rapports menant à conduire de façon radicalement différente l’action publique. Mais je crains que cette réponse ne soit pas législative…
Ne refaisons pas la même erreur avec les agrocarburants de 2eme et 3eme génération, et vérifions bien les apports positifs de ces produits avant de constituer des filières. Je lisais encore hier que ses chercheurs de l’université de Lancaster en Grande-Bretagne, ont mis en évidence que la production d’agrocarburants de deuxième génération à partir de plantes ligneuses en grande quantité augmenterait le nombre de décès en plus de réduire la production alimentaire, du fait de composés volatils.

La question centrale est donc :
Une politique de soutien aux agrocarburants se justifie-t-elle encore ?
(Deux questionnements incidents)
Si oui, sous quelle forme ?
N’y aurait-il pas des secteurs à soutenir plus efficaces en termes de réduction des EGES et de production agricole nationale ? Je pense à la biomasse, à la valorisation des déchets, aux énergies renouvelables, mais aussi à l’agriculture biologique, qui constituent des réponses à ces enjeux.

Sans anticiper sur le débat, et j’en ai bientôt fini, je peux vous livrer une partie de réponse législative que les écologistes ont proposé au niveau français :
A l’occasion du projet de loi de finance discuté il y a quelques mois, j’ai proposé la suppression de l’avantage fiscal accordé aux agro-carburants depuis des années. La proposition a été longuement discutée, et la suppression une nouvelle fois reportée.
J’ai été étonnée de voir que le gouvernement ait pu annoncer, à la fin de la Conférence environnementale, le renouvellement des agréments des agro-carburants jusqu’à fin décembre 2015 pour des contrats initialement prévus pour 6 ans et dont de code des douanes ne prévoyait pas le renouvellement. Ainsi par leur simple extinction en fin de contrat, l’exonération de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers aurait couté « seulement » 160 millions d’euro pour 2013. Par la prolongation des contrats qui se seraient éteints, il en coutera finalement 250 millions d’euros ! L’année prochaine, la situation risque d’évoluer.

Pour moi, les agrocarburants de première génération ne constituent plus dans l’état actuel des choses une réponse pragmatique à une alternative énergétique, ni à un renouveau agricole. Pour les écologistes, il faut trouver de véritables alternatives efficaces en terme économique, budgétaire et écologique, mais aussi social. Nous nous engageons avec le Gouvernement à une réorientation agro-écologique, une fiscalité écologique, et un plan de transition énergétique.

Au niveau européen, la Commission européenne, a fait preuve de responsabilité et a tiré les conséquences de ces données scientifiques. Elle a proposé une nouvelle directive, révisant des critères de durabilité et baissant les objectifs chiffrés pour les agro carburants de 1ère génération .
Le débat de ce matin, va donc nous permettre d’aller plus loin dans la compréhension de cette politique et de ses mécanismes, dans la connaissance des différents types d’agrocarburants, dans l’échange entre les points de vue, et dans l’évaluation de la pertinence et de la réactivité des réponses politiques françaises et européennes.

Je vous remercie de votre attention, vous souhaite de fructueux échanges et laisse la parole à Yves Daniel. »

 

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